Un de mes livres préférés est Printemps au Parking de Christiane Rochefort.
Ce n'est pas vraiment un livre sérieux, mais il parle de sujets habituellement considérés comme sérieux en les considérant, pas forcément par habitude, comme sérieux.
Il salope toutes sortes de règles que les écrivains se fixent habituellement, ce qui est commun quand on y pense, mais si quelqu'un les salopait par écrit tout en écrivant un truc sur des trucs sérieux pas sérieux on lui cognerait dessus et ce n'est pas de l'Oulipo ou quoi-donc. Ça vient du fait que le récit suit le flux RSS de la pensée du personnage principal.
Je me souviens plus du nom du personnage principal ; je crois qu'il n'en avait pas. Ça devait être pour faire plus proche du lecteur et pas donner l'idée immédiate d'un parti-pris pour une classe ou l'autre, puisque c'est avec le personnage principal qu'on s'identifie, et même s'il s'appelait Jean-Michel de Pétrassier il serait tout-de-même de la classe populaire, mais ça sonnerait bourge et on serait capable d'en tirer des conclusions aussi bêtes que celle-là.
Donc c'est un gus de classe pro-laiteuse qui a une bonne petite gueule.
Il a fini ses études, ou les a arrêtées, bref. Il reste dans sa piaule en faisant cherchant de chercher du boulot, un genre de boulot barbant, comme je devrais le faire si moi j'étais pas en train de faire semblant de travailler pour passer un bac en candidat libre et réussir à choisir des études maintenant que je recommence à m'intéresser à quelques trucs.
Comme tout un chacun, il doit dîner avec ses parents et ce soir-là comme tous les soirs c'est avec la télé.
La télé est en panne. Éteinte, rien dessus, rien qui s'affiche.
Le parent, le paternel, le daron est planté devant la télé qui est plantée derrière le gosse et le parent daron n'est pas content de ça, lui il veut voir sa télé, alors il dit au gus de dégager grosso-modo et le gus dégage.
Il sort de chez lui, comme ça, sans rien emporter que ses pieds.
Se rendant compte que ça ferait couard de revenir comme ça, il décide de se barrer tout en remarquant des trucs comme on se les fait remarquer quelques fois.
Il baise un bout et se barre.
Il se barre vers les beaux quartiers et c'est là que ça devient intéressant parce que c'est très différent que d'ailleurs et même les gens qu'il rencontre. Ils l'hébergent et il devient pédé ; mais y a une espèce de transition entre ça et ça, ça devient pas pédé comme ça, tout se passe graduellement, ce qui n'est pas mon point car mon point c'est que le livre est intéressant car même maintenant.
Je trouve que ça n'a pas vieilli, j'étais pas là quand c'est sorti et peut-être qu'on pensait que c'était avant-garde et donc ça a quand même vieilli mais j'en doute, moi je le lis maintenant et avant et après et je m'identifie-rai toujours. C'est fou.
On dirait vraiment pas que ça a été écrit par une journaliste.
C'est la preuve qu'elle a réussi à me faire avaler son image de la réalité, vous me direz, mais c'est juste une photo de la mienne.